La société, rien que la société !

Les statuts protègent les associés minoritaires …

dans la limite de l’intérêt de la société !

 

Nul associé n’ignore qu’il est essentiel de bien travailler dès la création de sa société la rédaction de ses statuts. Vérifier les conditions et modalités de vote aux assemblées générales est même essentiel pour un associé minoritaire.☑️

Les statuts peuvent aménager les droits de vote de façon à empêcher que certains choix stratégiques et essentiels n’échappent aux associés minoritaires. A défaut, l’avenir des minoritaires est exposé au bon vouloir des associés majoritaires et leur décision peut n’avoir aucun impact. Ils peuvent ainsi se retrouver rapidement exclus de tout contrôle de leurs participations, sans pour autant pouvoir sortir de la société…

A l’inverse, des statuts qui garantissent les droits des minoritaires peuvent avoir pour effet de brider les décisions et de bloquer des choix stratégiques pour la société.

Aussi, même lorsque les statuts prévoient des modalités de vote protectrices des intérêts des minoritaires, d’autres considérations plus importantes peuvent primer, et notamment l’intérêt supérieur de la société.🏢

C’est là qu’entre en scène le Juge qui travaille à nuancer l’opposabilité des clauses statutaires prévues au bénéfice des minoritaires, lorsque celles-ci confrontent un intérêt social supérieur.

Autrement dit, le minoritaire, même sous couvert des statuts, ne peut pas voter contre une décision qui serait justifiée par l’intérêt de la société.

C’est le sujet d’un récent arrêt de la Cour de cassation 📜(Cass. com. 13-3-2024 no 22-13.764 F-B, Sté Sélima c/ X.)📜.

Une SARL détenue par deux époux cogérants à 74% d’une part, et une société filiale d’un groupe de distribution à 26%. La société exploite un supermarché sous l’enseigne exclusive du groupe de distribution minoritaire. Le contrat de franchise du groupe de distribution est dénoncé dans les formes par les deux cogérants. Le minoritaire s’y oppose et vote contre la suppression de l’exploitation sous la seule enseigne du groupe de distribution de l’objet social de la société. L’opposition du minoritaire est justifiée sur le papier, puisque les statuts prévoient un vote aux trois quarts des parts sociales.

Mais les cogérants demandent la désignation d’un mandataire ad hoc, considérant que le vote du minoritaire est abusif.

Et la Cour les suit : l’abus de minorité est en principe démontré lorsque le vote du minoritaire est contraire à l’intérêt social, ce qui est le cas dès lors que l’opération est essentielle pour la société ou lorsqu’il est réalisé dans l’unique intérêt du minoritaire au détriment de ceux des autres associés (notamment, 📜Cass. com. 15-7-1992 no 90-17.216 P : RJDA 8-9/92 no 826)📜.

Ici, il était essentiel pour la survie de la société que la modification statutaire ait lieu afin que la société puisse poursuivre son activité avec une nouvelle enseigne sans aller à l’encontre de son objet social. Ce d’autant que la société encourrait la dissolution de plein droit par extinction de son objet social.

La mauvaise foi du minoritaire l’avait même conduit à invoquer la dissolution au motif que le contrat de distribution avait déjà été résilié, ce qui n’a pas dupé les juges qui ont rejeté l’argument et retenu, en cohérence avec des décisions déjà rendues 📜(Cass. com. 19-3-2013 no 12-16.910 F-D : RJDA 7/13 no 628)📜, que l’opposition du minoritaire était abusive. Il était évident que le groupe de distribution minoritaire n’était motivé que par son intérêt personnel de conserver sa franchise, et de nuire à ses associés qui avaient pris l’initiative de la résilier.

Ainsi prime l’intérêt social ! Et le minoritaire mal intentionné devra s’en contenter… et se résigner sans doute à vaquer à d’autres participations…

Les statuts s’apprécient toujours à l’aune des stratégies et des opportunités des actions – l’abus de droit est un risque à prendre parfois pour atteindre ses objectifs – mais pas dans n’importe quelles conditions !📑