Le dénigrement, quesako ?

Le dénigrement, c’est le fait d’émettre des propos portant atteinte à des produits et services d’une entreprise, à l’égard des clients de cette entreprise. La notion de dénigrement se retrouve très souvent dans des situations de concurrence entre entreprises. Qui n’a jamais entendu quelqu’un lui dire « vous avez aussi rencontré mon concurrent pour un devis ? Vous ne devriez pas passer par lui, son service est déplorable ».

Il s’agit là de dénigrement.

La Cour de cassation rappelle régulièrement que le dénigrement ne nécessite pas de situation de concurrence.

C’est sur ce fondement que la Fédération Française des Industries des Aliments Conservés (FIAC) a agi à l’encontre de YUKA, l’application qui se targue de donner une « information claire » sur l’impact des produits alimentaires sur la santé. En cause, un article sur le blog de YUKA intitulé « Halte aux emballages toxiques », dont une section intitulée « Conserves et aluminium : à éviter au maximum ». Aux termes de cet article, l’on pouvait notamment lire « évitez au maximum la consommation d’aliments ayant été en contact avec l’aluminium (canettes de soda, etc. ) ».

Plusieurs leçons importantes sont à tirer de cette décision (Tribunal de commerce de Versailles, ordonnance de référés du 5 mars 2020).

 

 La notoriété du site peut justifier une action en urgence

La FIAC a estimé qu’il y avait là un trouble manifestement illicite car ce sont des informations mensongères dont prennent connaissance chaque jour plus de consommateurs qui suivent les conseils prodigués par YUKA, justifiant une action devant le juge des référés (procédure d’urgence). Le juge, prenant en considération la notoriété de YUKA, a suivi ce raisonnement pour accueillir l’action en référés.

YUKA a ainsi été condamnée, en référés, à retirer de son blog les insertions relatives aux conserves pour éviter de créer l’amalgame avec l’aluminium, ce qui est particulièrement dénigrant au vu des risques démontrés pour la santé.

La question de l’éventuel préjudice sera tranchée ultérieurement, devant le juge du fond.

 

L’information « générale », même non destinée la publicité, peut être considérée comme dénigrante et donc être condamnable

YUKA a fait valoir que son article de blog n’avait pas vocation à faire de la publicité pour un ou des produits, mais avait simplement vocation à donner une information générale. Aussi, elle estimait que la liberté d’expression est un droit fondamental, de sorte que cet article ne pouvait justifier une action en dénigrement.

Or, la FIAC estimait quant à elle que l’information donnée par YUKA était mensongère puisque 80% de la production d’aliments est faite dans des boites en fer blanc et que pour les 20% des conserves faites en aluminium, elles comportent systématiquement toutes un revêtement protecteur à l’intérieur.

En conséquence, l’analyse faite par YUKA n’est pas suffisante et, créant un amalgame, constitue un dénigrement des industriels des aliments en conserve.

Le Tribunal a donc relevé que « la tonalité des propos contenus dans le blog manque de mesure par une généralisation abusive relative à tous les emballages dans lesquels les aliments sont conservés ; que l’information transmise par l’article litigieux manque aussi de base factuelle suffisante, qu’elle se fonde sur une source unique, laquelle est citée à mauvais escient et interprétée de manière extensive. »

En conséquence, l’article a un impact négatif sur les produits en cause. De ce seul fait, il est condamnable au titre du dénigrement.

 

Les avis clients pris en considération

Fait notable, le Tribunal a pris en considération l’impact de l’article sur les consommateurs pour justifier sa décision.

Il a ainsi observé que « l’impact sur le consommateur est sensible tel que le notent les commentaires des internautes à la lecture de cet article, qui ont tous trouvé l’article intéressant ou utile ».

Le Tribunal a également relevé l’étude d’impact que YUKA met elle-même sur son site et selon lequel « 96% des lecteurs du blog nutrition ont appris des choses en lisant cet article » – « 83% des lecteurs du blog nutrition ont mis en pratique des éléments concrets appris dans les articles ».

Cela lui permet de considérer l’article comme ayant généré un « trouble illicite majeur ».

L’on ignore à ce stade si la décision a fait l’objet d’un appel. Elle sera donc peut être remise en cause. Affaire à suivre !

En attendant, il convient de faire attention à la rédaction des articles de blog : toute critique doit être fondée et faire l’objet d’une analyse objective étayée. A défaut, il y a un risque de tomber dans la qualification de dénigrement.

 

Vous êtes victime de dénigrement ?
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